Jeudi 1er mai — J'ai rarement manqué dans le passé les
défilés. Leur absence aujourd'hui marque symboliquement la fin d'un monde où le
mouvement ouvrier tenait le haut du pavé. A la fin des années 90 nous
participions avec mon ami Miroslaw H. et quelques autres adhérents à celui de
Roubaix en arborant nos badges et drapeaux du MDC, voulant tenir notre place
dans la gauche que nous souhaitions reconstruire en une refondation
républicaine.
Samedi 3 mai — Le relâchement de la langue est total au point qu'il
devient insupportable d'écouter les nouvelles y compris sur France Culture !
Les mêmes mots, les mêmes clichés nous impactent
quand ils ne nous percutent pas. Il
n'y a pas un instant sans que la voix à l'intonation trainante d'un acteur social, au propos incertain, ne
vienne conforter la question suggérant déjà la réponse, d'un journaliste en mal
de nouveautés et qui peuple son propos d'un autoritaire effectivement masquant pour
le coup le dérisoire du discours. Ajoutons l'oubli de la forme interrogative
et de l'inversion du sujet : qu'en est-ce
que tu viens? au lieu du simple et efficace : Quand viendras-tu ? ou
encore en pire avec le doublement du verbe être "où est ce que c'est que vous partez en vacances ? C'est compliqué me dira-t-on de
parler sans précipitation, de se corriger mentalement avant d'ouvrir la
bouche, bref de respecter son interlocuteur qui est pourtant une des premières
élégances.
Vendredi 8 mai — Quelques souvenirs de souvenirs de nos proches et
quelques photos retrouvés au hasard du classement des dossiers que nous, M.
surtout, avons entrepris, se bousculent non pas de mai 1945 mais plutôt de mai
et juin 1940. L'avancée des troupes allemandes entraine les familles à
"évacuer". Arthur, mon grand père paternel et sa seconde épouse au
volant de sa Citroën emmène avec eux ma mère et ses belles sœurs dans un
véhicule dont les bagages retombaient régulièrement sur le dos des passagères
assises à l'arrière. Direction Paris et l'ouest lointain, j'en étais ! Le
"coup de faucille" de la Wehrmacht les contraignit à se tourner vers
l'ouest et ils atteignirent Le Touquet entre le 15 et 20 mai où affluaient les
réfugiés. Ce fut donc mon premier séjour dans cette ville de villégiature. Mes
tantes se "battaient" pour conduire ma voiture d'enfant en promenade
vers la digue de mer. Les soldats allemands campaient sur la plage et, le très
beau temps de ce printemps 1940 aidant, ils se baignaient, ma mère détourna les
yeux, ils étaient nus…Boulogne sur Mer occupé, le camp de prisonniers de Dannes
ouvert… J'avais 9 mois.
Christian Maes, journal et récits
Mai 2020
Avril 2020
Samedi 11 avril — Il y a 75 ans le camp de
concentration de Buchenwald était libéré. Je mis été rendu en juillet 1962 lors
de notre séjour en RDA à la tête d’un délégation de jeunes communistes
tourquennois. Encadré par des responsables locaux qui nous ont souligné combien
la RDA souhaitait par la visite systématique en ce lieu de sa jeunesse lycéenne
dénoncer et faire prendre conscience de la réalité du système de déportation
nazi, nous quittâmes Weimar en début d’après midi dans un curieux petit autobus
gris comme le temps muscade et frais de cette journée. J’ai déposé une gerbe de
fleur devant le crématorium avec un sentiment d’être totalement hors du temps de
ce qui était pour le moins inexplicable. Trois images me restent : le portail
et son inscription « Jedem das seine », le monumental et somme toute
dérisoire édifice du souvenir édifié par les soviétiques (le camp fut libéré
par les américains), le plateau dénudé vers le sud ouest et la vallée de la
Gera et d’Erfurt invisible et les reliques exposés dans un petit musée…
Dimanche 12 avril
— C'est Pâques. Hier soir une voisine nous apprend la mort d'un de nos
copropriétaire très âgé, monsieur L., dans une maison de retraite de Belgique
qu'il avait rejoint récemment. Je crains qu'atteint du coronavirus, on n'ait
pas pris soin de l'hospitaliser en raison de choix à opérer entre patients ;
nous sommes en Belgique où l'euthanasie est légale dans certaines circonstances…
Lundi 13 avril —
Interminable allocution du Macron, l'absence de maîtrise du réel nous confine
jusqu'au 11 mai.
Mardi 14 avril —
Je suis étonné que Chevènement ait trouvé la trop longue intervention du
président de la république convaincante quant à la "nécessité du
rassemblement et du dépassement des points de vue idéologiques" ce qui est,
en somme un aveu d'impuissance et une condamnation de fait de son attitude
politique antérieure. Je n'y ai pas vu ni la hauteur de vue ni l'autorité qui
devrait être celle d'un chef ! Un long discours compassionnel qui ne mobilisera
personne quant à la promesse d'un autre politique malgré cet aveu " de se
réinventer, moi le premier" Le peuple n'a pas à se réinventer pour
accélérer le retour à notre indépendance et notre souveraineté nationale
économique, sociale et culturelle. Etre chez soi certes, encore un mois, mais
pas inerte.
Michel Onfray va faire paraître en juin une nouvelle revue
avec des souverainistes de droite et de gauche : "Front Populaire". Titre
qu'il faut comprendre sans connotation "1936" mais plutôt come resucée
de Front National version résistance et libération à la sauce libertaire ? Enfin
c'est une bonne nouvelle pour "l'Après"…
Vendredi 17 avril — Nous
nageons en pleine confusion. Les informations contradictoires alimentées par
les chaines de télévision dites d'information l'alimentent. Aucune autorité
n'est reconnue, c'est la faute à ce pouvoir lui-même déjà peu crédible qui ne
semble rien maitriser. Les morts s'accumulent avec un pourcentage effarant dans
les maisons de retraite et autres "EPHAD". Le dernier mort en date
est un chanteur compositeur de talent Daniel Bevilacqua dit Christophe dont un des
concerts vu par M. et V. au colisée de Roubaix avait été une nouvelle
révélation quant à sa modernité musicale.
Macron avait promis un plan "Grand âge" ! (Le
Monde)
Mardi 22 avril —
Cette après-midi, je poursuis la lecture du livre de Michel Onfray sur Camus, texte
en miroir de ce que pense le philosophe aujourd'hui, libertaire et anarchiste.
On comprend mieux ses positions sur son "girondisme", sur des phénomènes
comme celui des "gilets jaunes" et le rapport avec la renaissance
d'un anarcho-syndicalisme. Proudhon contre Marx, Camus contre Sartre et
Beauvoir…
Le confinement apporte son lot de prise position politique
sur "l'après", la dernière en date (blog) et qui me touche, celle de
Chevènement qui pense que Macron pourrait renouer avec un patriotisme
économique et conduire un renouveau industriel français par le dépassement
républicain dans un gouvernement de salut
public ; profonde erreur vis-à-vis
d'un président qui reste un européiste compulsif. Le dépassement républicain ne
pourra se faire avec Macron ; étrange paradoxe du Ché., et du chevènementisme.
Mercredi 22 avril
— Rédigé et mis en ligne ce matin un article sur Macron et Chevènement.
Décidemment croire que le "chevènementisme " puisse s'incarner dans
l'actuel président est un contresens total Le projet droite-gauche de Macron
n'est autre que l'organisation technique de la droite libérale et la gauche
sociale libérale de ceux qui ont toujours mené la même politique de soumission
mastricienne. Rien à voir avec la rupture républicaine et nationale du fameux
"au dessus de la gauche et de la droite il y a la république".
Il y a 140 ans (22 avril 1870) naissait Vladimir Illich
Oulianov dit Lénine à Simbirsk, Russie. Je possède toutes ses œuvres, rien
moins que 36 volumes vendus à prix bas à la librairie
« progressiste » La Renaissance à Lille qui relayait les éditions de
Moscou ! Seuls apparemment des syndicalistes CGT font encore référence à Lénine
qui, ce n’est pas de bon ton de le dire, reste un des grands penseurs de la
mise en œuvre du marxisme. J’avais dans les années 80 installé dans la
bibliothèque de mon bureau l’ensemble très décoratif, un tantinet provocateur,
en lieu et place de ressources pédagogiques l’ensemble des volumes reliés du plus bel effet, au grand
étonnement de l’Inspecteur d’Académie en visite dont l’humour complice lui
interdit toute remarque.
Samedi 25 avril —
Enfin j'ai pu opérer avec succès la mise en sécurité de mon blog, opération
fastidieuse où l'on a toujours crainte de perdre la totalité des données.
J'apprends également que la plateforme Netflix met en ligne les plus grands
films de Truffaut, occasion de revoir Antoine et Alphonse….Doisnel.
Mercredi 29 avril
— Le temps suspendu du confinement, l'absence d'évènements sauf la longue
répétition bavarde des médias à la langue relâchée (car c'est "compliqué" de parler
correctement), nous invite à regarder ailleurs, vers un peu de notre passé et
de nos engagements. Depuis trois jours à l'invitation de V. qui voudrait que
j'écrive mes mémoires je recherche documents et articles sur l'évacuation de mai juin 1940,
quatre-vingts ans déjà, qui m'avait conduit de Tourcoing au Touquet. J'y
reviendrai. Recherche active également menée par M., de ce qui encombre les
meubles à dossiers, occasion de retrouver articles et documents politiques et
culturels des années 80 et le long entretien avec la rédaction de Nord Eclair
les 7 et 8 mars 1980 peu avant mon départ
du PCF.
A partir du 11 mai, les déplacements seront possibles dans
un rayon de 100km ; traçage d'un cercle à l'échelle avec pour centre mon
adresse, et satisfaction que Doudeauville soit à l'intérieur donc accessible.
Jeudi 30 avril — Les piliers de la république sont de retour : Etat, communes et départements. Le retour de la circulation des citoyens se fera sera à l'aune de la situation de chaque département, vert ou rouge, l'appréciation de la rentrée à l'école dépendra de chaque commune. C'est bien sûr contraint que le gouvernement en passe par cette évidence républicaine. Quant aux "grandes" régions, aux intercommunalités et autres métropoles elles restent des espaces incertains…
Jeudi 30 avril — Les piliers de la république sont de retour : Etat, communes et départements. Le retour de la circulation des citoyens se fera sera à l'aune de la situation de chaque département, vert ou rouge, l'appréciation de la rentrée à l'école dépendra de chaque commune. C'est bien sûr contraint que le gouvernement en passe par cette évidence républicaine. Quant aux "grandes" régions, aux intercommunalités et autres métropoles elles restent des espaces incertains…
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